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Guide pour réaliser ses propres PCBs


Écrit le Lun 12 Octobre 2015 par MicroJoe & Marc

Que vous soyez l’heureux possesseur d’une PCBlastifieuse ou non, ce guide a pour but de détailler des différentes étapes de réalisation de circuits imprimés en utilisant la méthode du transfert de toner.

Attention : ce guide évoque l’utilisation de produits chimiques qui sont dangereux et qui doivent être manipulés avec précaution.

Vous êtes responsables de vos faits et gestes lors de leur utilisation, le mieux étant de se faire accompagner par des personnes ayant déjà utilisé ce procédé dans un premier temps.

Liste des précautions

Avant tout, merci de lire la liste de précautions à prendre et de bien la retenir avant de vous lancer dans la moindre manipulation :

  • Toujours verser de l'acide dans de l'eau et pas l'inverse, car il y a risque d'éclaboussure ("explosion").
  • L'acide chlorhydrique est dangereux, l’eau oxygénée encore plus (mains, yeux). Ces produits sont à manier avec précaution et avec les protections adaptées (gants, lunettes de protection). Seule la personne équipée peut manipuler les bouteilles et ustensiles (gouttes sur les bouteilles, reste de réactif sur les ustensiles pas encore nettoyés…)
  • Attention à ne pas renverser de réactif, que ce soit sur le sol ou pire sur des personnes, protégées ou non. Celui qui manipule est responsable de ses maladresses.
  • Ne pas fermer la bouteille d’eau oxygénée trop fort (risque d'explosion du fait de sa forte concentration).
  • Le mélange acétone / eau oxygénée est très dangereux : faites attention dans vos manipulations à ne pas combiner les deux et à toujours les stocker loin l’un de l’autre pour éviter tout risque d’explosion en cas de fuite ou de renversement.
  • Travaillez dans un endroit aéré ou sous hotte aspirante, il faut éviter de respirer les émanations résultant de la réaction.

Conception du circuit

Avant de pouvoir réaliser un PCB, il faut d’abord le concevoir. Le logiciel libre KiCAD va vous permettre cela, en partant de la réalisation du schéma électrique jusqu’à la création de la carte et la mise en place des éléments qui la composent.

Si vous voulez utiliser une carte déjà réalisée par quelqu’un d’autre, assurez-vous qu’elle ne soit pas en négatif (technique utilisée pour la gravure avec une autre méthode que celle présentée dans ce guide) et passez directement à l’impression.

Impression du motif

Il va falloir imprimer le motif du circuit sur un papier spécial qui va permettre de transférer le toner de l’imprimante sur la plaque de cuivre facilement.

Plusieurs types de papiers peuvent être utilisés, notamment le PNP Blue (Peel'n'Pick) ou d’autres papiers spécialisés. Ceux-ci ont un côté imprimable (papier) et l’autre non (plastique) qu’il faudra donc distinguer.

Voici la procédure à suivre :

  • Tout d’abord, imprimez le motif (en taille 1:1) sur une feuille de papier classique.
  • Ensuite, découpez un morceau de PNP Blue un peu plus grand quel a taille du motif et collez le sur la feuille que vous venez d’imprimer au niveau du motif avec du scotch pouvant être facilement retiré (n’oubliez pas de placer le côté papier à l’extérieur. L'idéal est du scotch de tapissier / scotch de masquage.
  • Le toner est déposé côté rugueux de la feuille de PNP.
  • En remettant la feuille dans le sens qui convient dans le bac, il suffit de relancer l’impression du motif pour que celui-ci soit cette fois-ci déposé sur le bout de PNP Blue que l’on pourra détacher de la feuille par la suite.

Préparation de la plaque de cuivre

Cette étape est cruciale car pour que le motif soit correctement transféré sur la plaque de cuivre il faut que celle-ci soit très propre et sans impuretés.

  • Tout d’abord, afin d’enlever les éventuelles traces d’oxydation et autres saletés sur la plaque, il faut utiliser de la paille de fer douce afin de frotter sur la plaque et enlever le gros des saletés.
  • Répéter cette étape autant de fois que nécessaire jusqu’à ce que le cuivre soit uniforme.
  • Une fois les poussières provoquées par la paille de fer soufflées de la plaque, imbiber un morceau d’essuie-tout d’acétone et frotter avec la partie cuivrée pour bien dégraisser la plaque.
  • Répéter cette étape jusqu’à ce que la feuille d’essuie-tout soit propre même après avoir frotté vigoureusement celle-ci contre la plaque (ne pas hésiter à utiliser plusieurs feuilles pour toujours frotter avec quelque chose de propre, en utilisant de l’acétone à chaque fois).
  • le brossage à la paille de fer peut être remplacé par un ponçage à l'eau et avec du papier de verre fin (600).
  • le brossage permet aussi de créer des aspérités sur le cuivre et va promouvoir l'adhérence du toner sur celui-ci
  • afin de garantir un résultat parfait, on peut nettoyer la plaque juste avant transfert avec de l'alcool isopropylique. Celui-ci éliminera toute trace de doigt éventuelle.

La plaque est maintenant prête à recevoir le morceau de PNP Blue précédemment imprimé.

Étapes à suivre :

  • Mettre le morceau de PNP contre la plaque de cuivre de façon à ce que le côté imprimé soit en contact avec la plaque.
  • Fixer le morceau de PNP pour bien qu’il appuie sur la plaque avec du scotch qui ne craint pas trop la température (éviter de recouvrir la surface du PNP contenant des pistes, car le scotch va faire comme une sorte de bouclier thermique qui va gêner la fonte du toner).
  • Du Kapton est idéal pour ce type de projet, car il est fin et il résiste à la chaleur.
  • Vérifier que le papier appuie bien uniformément sur la plaque (qu’il ne fait pas un genre de bosse une fois fixé sur la plaque, car sinon le motif ne sera pas transféré). Deux morceaux de scotch suffisent, un en haut et un en bas.

Alternative au PNP

Le PNP étant onéreux d'autres solutions sont également envisageables, cependant le résultat est nettement moins bon. Pour 1€25 on peut se procurer 10 feuilles A4 de papier de transfert sur eBay. Le toner est déposé côté lisse. Voici le résultat obtenu pour un PCB avec des pistes de 0.5 mm - 1 mm de large:

On remarque sur la photo que du toner manque par petits points sur le "thermal pad" du régulateur. En fait, c'est une lacune de ce papier. Sur des plans, le résultat est encore moins convaincant. Sur la photo suivante, on voit un transfert avec du PNP à gauche, papier jaune à droite:

Il semblerait que le PNP dépose en plus du toner une petite pellicule plastique qui protège encore mieux le toner lors de la gravure :

Transfert du motif

Nous arrivons maintenant à l’étape la plus délicate de ce guide : le transfert du motif du PNP vers la plaque de cuivre.

Nous allons considérer ici l’utilisation d’un appareil de type PCBlastifieuse pour effectuer le transfert mais sachez qu’il est possible (bien que pénible) de le faire à l’aide d’un fer à repasser classique.

Étapes :

  • Mettre l’appareil en route et attendre qu’il atteigne une température suffisamment élevée (au moins 180°C).
  • Passer la plaque plusieurs fois dans le « four », jusqu’à ce que le toner sur le PNP change d’apparence, manifestant le transfert du motif sur la plaque (attention, utilisez des gants ou un outil afin de ne pas vous brûler en manipulant la plaque).
  • Une fois le motif manifestement totalement transféré, passez la plaque au robinet sous de l’eau froide afin de refroidir le tout et de faire en sorte que le toner ne se décroche pas de la plaque.
  • Retirer très délicatement le film de PNP, les pistes doivent se retrouver sur le circuit et le PNP doit devenir transparent à ces endroits.

Si certains morceaux de piste n’ont pas été totalement transférés, il serait possible de rattraper le coup en utilisant un marqueur permanent pour combler certains passages ; par contre si seulement la moitié du motif se décolle ce n’est pas la peine d’aller plus loin : nettoyez à nouveau la plaque et réimprimez un motif en tentant de savoir pourquoi le transfert a échoué (température trop basse ? pas assez de passes pour permettre la fonte ? PNP qui ne touche pas correctement la plaque ? plaque pas assez refroidie ? retirage trop brusque du PNP ?).

Dissolution du cuivre

Après l’étape délicate, nous attaquons l’étape la plus sujette à risques. En effet, nous allons ici devoir manipuler des produits chimiques qui peuvent être dangereux si on ne prend pas suffisamment de précautions.

Tout d’abord équipez-vous du matériel de protection nécessaire :

  • Blouse en coton ;
  • Gants de protection spécialisés contre le risque chimique (nitrile, …) ;
  • Lunettes de protection ;

Ensuite regroupez l’ensemble du matériel nécessaire à l’extérieur :

  • Bouteille d’eau oxygénée ;
  • Bouteille d’acide chlorhydrique ;
  • Récipient dans lequel la solution sera préparée et suffisamment grand pour pouvoir y poser la carte à plat ;
  • Une bouteille de récupération pour la solution usagée ;
  • Le futur PCB.

Dans le récipient qui va accueillir la plaque, préparez la solution suivante en prenant bien soin de verser l’acide dans l’eau et pas l’inverse :

  • 1/3 d’eau (de préférence distillée) ;
  • 1/3 d’acide chlorhydrique ;
  • 1/3 d’eau oxygénée.

La réaction attendue est : Cu + H2O2 + 2 HCl → 2 H2O + CuCl2

Une réaction secondaire a également lieu : 2 H202 → 2 H20 + 2 O2 (auto-décomposition de l'eau oxygénée ; ici catalysée par la présence de cuivre notamment, cette réaction est rapide)

Arrive maintenant le moment de vérité : plongez la plaque à plat dans la solution et éloignez-vous du récipient.

En effet, la réaction secondaire produit du dioxygène (gazeux) qui s'échappe sous forme de bulles nombreuses. Même si le gaz est inoffensif, les bulles peuvent entraîner du réactif acide. Certaines sources évoquent aussi l'éventualité de traces de dichlore (toxique, mais plus lourd que l'air) bien que ce gaz préfère s'associer au cuivre.

Une fois que la réaction est devenue moins violente, contrôlez à intervalles réguliers l’état de la plaque en la sortant de la solution avec des pincettes en plastique afin de pouvoir l’examiner ; sortez définitivement la plaque de la solution quand le cuivre non recouvert par le toner sur la plaque aura totalement disparu.

Élimination de la solution

Une fois que le circuit a été rincé et mis de côté, il va falloir se débarrasser de la solution ; rien ne sert de la conserver même si elle a peu servi, car elle va perdre ses propriétés au cours du temps. Pire même, elle va dégager du gaz, ce qui pourrait faire exploser la bouteille dans laquelle elle est stockée.

Elle est jetable dans les canalisations à condition de bien la diluer auparavant pour ne pas faire de dégâts :

  • Verser la solution dans une bouteille de 1,5 L.
  • Compléter la bouteille avec de l’eau.
  • Verser le contenu de la bouteille dans un évier.

On peut ensuite rincer le reste de notre matériel :

  • Rincer les outils, récipients, gants, etc.
  • Rincer l’évier une fois que tout le reste a été nettoyé.

Conclusion

Vous avez maintenant toutes les clés en main pour réaliser vos propres PCBs (mais pas forcément des PCBs propres par contre, ça viendra avec la pratique).

Étant donné la non-réutilisabilité de la solution, il paraît intéressant de procéder à cette réalisation de PCBs par batchs de plusieurs plaques pour éviter de gâcher trop de solution qui doit être active pour plusieurs plaques (étant donné que l’on ne peut pas la stocker).

Il est important d’effectuer cet ensemble d’étapes dans la foulée, car le toner n’est plus d’aussi bonne qualité si le PNP Blue est par exemple mis de côté pendant une semaine après avoir été imprimé ou la solution gardée pour une prochaine fois mais au final inutilisable.

N.B. : Ce guide n’est pas définitif, n’hésitez pas à le modifier afin de rajouter des précisions, améliorer sa mise en page ou même l’illustrer !

Références :